En-cas sur pattes

Ne pas ramasser son snack en chemin

L’entomophagie, c’est-à-dire la consommation humaine d’insectes, fait partie intégrante du régime alimentaire des pays asiatiques et africains depuis des millénaires. Dans le monde, environ deux milliards de personnes mangent régulièrement des insectes. Leur variété est impressionnante: quelque 2000 espèces d’insectes sont comestibles. Seules trois d’entre elles sont autorisées en Suisse comme denrées alimentaires: les sauterelles, les vers de farine et les grillons. Pour des raisons d’hygiène, seuls les insectes issus d’un élevage contrôlé sont mis sur le marché en Suisse, et non des animaux capturés à l’état sauvage. Les randonneuses et randonneurs ne doivent donc surtout pas ramasser une sauterelle pendant leur randonnée pour la grignoter. D’une part, pour ne pas accélérer davantage l’extinction des insectes et, d’autre part, pour des raisons sanitaires: les insectes sauvages sont des animaux vivant en plein air, qui se nourrissent en partie de déchets et qui peuvent être contaminés par des parasites ou des bactéries dangereuses.

Bons pour la santé et l’environnement

Je replonge donc plutôt ma main dans le sachet que dans l’herbe: pour le dessert, je choisis un criquet migrateur non assaisonné. Un nom on ne peut plus approprié. L’insecte mesure 4 à 5 centimètres de long et ses yeux secs collent à son corps comme des petites pépites de chocolat. J’enlève les ailes et les pattes arrière, qui sont immangeables, et je croque mon criquet. Assez sec et fade. Je préfère encore les sauterelles grillées aux fines herbes.

Lors de la pause goûter, il devient vite évident que ces aliments sont très nourrissants: 50 grammes d’insectes suffisent à rassasier. En effet, les insectes fournissent en moyenne 60 grammes de protéines pour 100 grammes de matière sèche, soit deux à trois fois plus que pour la viande de bœuf, le saumon ou les pois chiches.

La teneur en nutriments n’est toutefois que l’un des deux arguments en faveur de l’alimentation à base d’insectes. L’autre est son bon écobilan: comparé à la viande, l’élevage d’insectes nécessite beaucoup moins d’eau, de place et de fourrage, ce qui génère moins de gaz à effet de serre. Les insectes pouvant aussi être nourris avec des restes alimentaires, on peut même dire qu’ils transforment les déchets en superaliments.

De plus, la part comestible d’un insecte est plus élevée que celle de la viande: elle est de 80% pour la plupart des insectes, alors qu’elle n’est que de 40% pour le bœuf par exemple.

La Suisse pionnière

En Europe, la vente d’insectes comestibles est autorisée depuis 2021, et même depuis 2017 en Suisse. Les deux principaux acteurs dans notre pays sont Entomos et Essento. Entomos se concentre sur la transformation des insectes, tandis qu’Essento exploite également son propre élevage d’insectes en Allemagne. La boutique en ligne gourmetbugs.ch assure la vente centralisée de tous les produits à base d’insectes fabriqués et transformés en Suisse, de la farine aux burgers et aux snacks, en passant par les pâtes.

Une niche

Néanmoins, les insectes comestibles sont encore loin d’être devenus mainstream. «Le marché n’a malheureusement pas connu d’amélioration notable depuis 2017», déclare Jean-Yves Cuendet, propriétaire d’Entomos. «Il faudra du temps pour que les insectes comestibles s’imposent. Je table sur une dizaine d’années. Le marché ne se développera qu’avec une hausse de la pression pour passer à des protéines alternatives.»

«A long terme, les produits les plus prometteurs sont ceux dans lesquels les insectes sont invisibles mais qui sont enrichis de ces précieuses protéines, c’est-à-dire les pâtes, les barres de céréales ou le pain», explique Jean-Yves Cuendet. Pour l’instant, les aliments à base d’insectes restent des produits haut de gamme, dont les prix se situent dans le segment supérieur: il faut ainsi compter une dizaine de francs pour 200 grammes de granola protéiné à la poudre de grillons.

Les insectes présentent actuellement plus de potentiel comme alimentation pour les animaux, par exemple pour remplacer le soja. On parle alors de «feed» au lieu de «food».

Favori: les barres protéinées

Reste à savoir dans quelle mesure les aliments à base d’insectes sont un en-cas adapté en randonnée. J’ai surtout été convaincue par les barres protéinées d’Essento. Ces barres enrichies en grillons existent en différentes saveurs, telles que baies-amandes ou cacao. Elles ont bon goût et n’exigent pas de se faire grandement violence pour les personnes qui n’ont encore jamais mangé d’insectes. En plus d’être riches en protéines, elles renferment aussi un peu de sucre, qui assure une source d’énergie rapide pendant la randonnée. Autre possibilité: préparer ses propres barres protéinées à base de farine d’insectes et de farine bise ainsi que d’autres ingrédients.